Ηλίας ΑΝΑΓΝΩΣΤΑΚΗΣ, Οὐκ εἴσιν ἐμὰ τὰ γράμματα. Ιστορία και ιστορίες στον Πορφυρογέννητο, Βυζαντινά Σύμμεικτα, 13|1999, 97-139


  Ilias Anagnostakis Histoire et histoires chez le Porhyrogénète. Οὐκ εἴσιν ἐμὰ τὰ γράμματαLa correspondance de Constantin Porphyrogénète avec Théodore de Cyzique est la seule oeuvre de l'empereur à n'avoir pas encore été contestée: elle est considerée comme une production absolument personelle -il s'agit d'ailleurs d'une correspondance privée. En effet, si pour toutes ses autres oeuvres, postérieures à cette correspondance, il existe des scribes qui se chargent de composer, d'écrire, de recopier sous sa direction, au contraire ses lettres n'ont pas nécessité un tel état-major. On y pourrait constater donc le niveau d'éducation et les préferences stylistiques de l'empereur et on y constate en effet, outre l'amertume du fils écarté de Léon, un manque de confiance en soi lié à un apprentissage tourmenté et tardif et surtout l'aveu de son indigence littéraire. Il serait une erreur d'interpréter ces aveux comme des simples exagérations rhétoriques. En revanche, il est plutôt aisé de repérer et d'établir avec sûreté la crainte qu'éprouve le Porphyrogénète à des sages et serviteurs des Muses pleins de suffisance. Chaque fois que s'en présente l'occasion, il ne manque pas, lorsqu'il s'adresse à Théodore, de mentionner sans detours son insuffisance. Quelquefois il la justifie à mots couverts mais assez clairs pour se faire comprendre. De fait, l'aveu de sa balourdise pourrait être considéré comme une figure de style si nous ne disposions pas des réponses de son ami. Théodore semble acquiescer et mettre l'empereur dans une position difficile, quand il le force d'avouer que les lettres ne sont pas écrites par sa main mais par son humble scribe. Reste, néanmoins, indéfini, le degré de l'implication de l'empereur à sa correspondance privée. Or, le processus d'écriture de la correspondance du Porphyrogénète pourrait dans une certaine mesure être rapproché du processus de composition de son oeuvre majeure, la Vita Basilii. Les éclaircissements aux lettres échangées avec Théodore et les explications qui accompagnent l'aveu Οὐκ εἴσιν ἐμὰ τὰ γράμματα pourraient éclairer des nombreux côtés du processus de sa production. Nous considérons en effet que si le Porphyrogénète confiait à ses collaborateurs la composition et la rédaction des livres de Théophane Cont. ou d'autres oeuvres après en avoir préalablement défini les buts et le cadre, fourni la matière ou encore raconté en détail certaines histoires, la Vita au contraire pourrait être dictée, comme les lettres. Mais même dans ce cas, la contribution du scribe pourrait être considérée comme bien plus importante qu'un simple enregistrement de ce que lui dictait l'empereur. Pour ce second type de collaboration avec ses scribes (si l'on considère comme un premier type celui adopté pour Théophane Cont. et les autres ouvrages), l'empereur  racontait simplement ou dictait, selon le cas de manière simple et en langue parlée (celle probablement qu'il qualifie ailleurs de vulgaire), ou élevée et lettrée (selon la conception qu'il avait du style élevé). Or, le scribe servait en plus à faire passer à l'écrit toutes les exigences de style du Porphyrogénète en train de conter ou dicter de manière relâchée lettres ou histoires. Si cela est vrai, il nous est permis de supposer que pour le Porphyrogénète et ses scribes il existe réellement une ligne claire de séparation qui impose nettement ses règles quant aux styles et aux genres et peut aussi engendrer des problèmes de sincérité et d'identité, voire responsabilité, en ce qui concerne l'auteur. Cette ligne de partage est énoncée dans la préface de Théophane Cont. où le Porphyrogénète apparait en train de narrer-dicter au scribe conformément à toutes les hypothèses que nous venons de faire. Ainsi, au-delà des questions d'organisation et de matériel qui l'ont imposée, ces précisions de la préface de Théophane Continué ainsi que du début du DAI entretienent-elles un rapport avec le Porphyrogénète: la préférence à la narration, le non écrit, la langue simple. Jusqu'à quel point peut-on également soutenir qu'il préférait la «littérature légère», les chroniques, les récits populaires de son temps, dans lesquelles on trouve des proclamations stylistiques analogues aux siennes? L'Histoire se trouve-t-elle donc exclusivement du côté de l'écrit et les histoires surtout de ce qui a été dicté en langue commune? Et si le service des scribes couvre toute cette gamme, l'apport personnel du Porphyrogénète se limite-t-il à l'oralité, la dictée? En conclusion, nous pensons que pour le Porphyrogénète, moderne à son insu, l'Histoire n'existe pas, mais seule la narration, le historein. Il faudra donc surtout étudier dans l'oeuvre qui lui est attribuée l'acte de la narration, véridique ou inventée, et le rapport de dépendance entre narration et historicité, entre histoires et Histoire. 

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