T. C. Lounghis L'historiographie byzantine après la soi-disante «Grande brèche» Si, pendant la soi-disante «Grande brèche», la Donation de Constantin forgée par la Papauté parvient à annuler les prétentions byzantines de souveraineté sur l'Occident, une réaction oecuméniste byzantine est signalée sous le premier patriarcat de Photius; elle tend à regagner le droit de faire de la politique universaliste sous la forme de missions évangélisatrices, en s'appropriant pour le compte du patriarcat de Constantinople des prérogatives purement pontificales, ce qui amène à la rupture entre l'ancienne et la nouvelle Rome. Dans ce contexte général, on peut saisir mieux le sens de la destitution de Photius par Basile Ier qui, de par ses accords politiques avec la Papauté, inaugure une nouvelle politique occidentale. Cette politique consiste en la création d'une Oecuménè limitée dans l'espace, s'arrêtant devant l'ancienne Rome mais en revisant dans l'ensemble au profit byzantin les interdictions qu'imposait autrefois la Donation de Constantin à l'ancien universalisme byzantin qui datait des temps de Justinien Ier.Ainsi, dans l'historiographie byzantine après la soi-disante «Grande brèche» on peut distinguer deux tendances idéologiques, opposées l'une à l'autre: la première tendance est propre à l'historiographie dynastique des empereurs macédoniens (la plus grande partie des Continuateurs de Théophane, les oeuvres de Constantin Porphyrogénète, Skylitzès). La deuxième tendance est représentée par l'historiographie de l'opposition (les textes du cycle du Logothète) qui suit l'ancien exemple d'universalisme illimité, comme, dans le genre littéraire, elle suit l'ancien modèle de la Chronographie depuis la création du monde.La nouvelle tendance oecuménique de l'historiographie dynastique des empereurs macédoniens possède deux traits caractéristiques: a) la revision du genre chronographique qui, désormais, commence à des dates autres que l'an de la création du monde, et b) la mise hors-la-loi de l'ancien oecuménisme illimité qui entraine la rupture avec les puissances occidentales, que ce soit la Papauté ou l'empire d'Occident. Tout à fait contraire à ces traits nouveaux est la tradition chronographique universelle et universaliste en même temps, qui est suivie avec empressement par l'opposition à la dynastie macédonienne, jusqu'au règne de Nicéphore Phocas, de façon à provoquer la rancune de Liutprand, qui venait à Constantinople rassuré par l'attitude byzantine qu'il croyait connaître depuis 944.